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MURIEL : L'UNION FRANCO-BELGE

Martine et Pierre MARCOUX ont adopté une petite fille alors qu'elle n'avait que trois ans. Martine a accepté de répondre au questionnaire qui a été précédemment soumis à Anne-Claire.

Pourquoi avoir adopté un enfant ?

C'était un projet qui nous tenait à cœur à tous les deux depuis que notre relation est devenue sérieuse. Pierre est handicapé des membres supérieurs à cause du médicament "softénon" ; ses gènes sont tout à fait "normaux". De mon côté, j'ai deux sœurs handicapées dont la cause n'est pas exogène mais d'ordre génétique. Je l'ai su en procédant à une étude génétique pratiquée avant de me marier (pierre s'est également prêté à cet examen). Nous voulions savoir si nous courions un risque défini d'avoir nous-mêmes des enfants handicapés, auquel cas nous n'en aurions pas procréés mais nous aurions adopté des enfants.

Notre couple ne risquant pas plus qu'un autre d'avoir des enfants avec handicap, nous avons eu Yves en 1985 et Delphine en 1987. Cette dernière à un caractère tout à fait opposé à celui de son frère et nous avons pensé qu'un autre enfant serait encore différent, alors pourquoi ne pas en adopter un ? Nous avons pensé que nous pourrions mettre au service d'un enfant handicapé notre "savoir faire" en la matière, puisque nous étions tous les deux très concernés par la dysmélie des membres supérieurs. Accueillir un enfant dysmélique, qui n'aurait pas la chance de s'épanouir dans son milieu d'origine, nous a semblé possible. C'est ainsi que Muriel est venu agrandir notre famille en janvier 1992. Elle vient du Rwanda, elle n'a pas de mains ni d'avant-bras. Elle avait 3 ans quand elle est arrivée (son frère et sa sœur avaient 6 ans et 4 ans ½).

 

Comment l'enfant a-t-il été accepté ?

Très bien dans l'ensemble…Quelques réticences du côté de la famille : " Pourquoi aller chercher un enfant handicapé ? A t-on pensé à ce que sera notre vie, aux commentaires des autres, aux regards des autres ? " Réticences compréhensibles dans la mesure où les personnes proches ont vécu différemment la présence de leur enfant handicapé (ils n'ont pas choisi d'avoir un enfant avec un handicap, ils ont reçu un choc à la naissance, ils n'ont pas envie qu'on revive ce qu'ils ont vécu…)

Muriel a bien été acceptée dans l'ensemble car nous étions prêts à répondre aux questions et à expliquer notre choix.

Notre ville est une ville universitaire où se côtoient maintes nationalités. Cela facilite aussi l'insertion (la couleur de la peau peut aussi être un handicap, comme toute différence).

 

Comment j'accepte son handicap ?

Je l'accepte d'autant mieux que je l'ai souhaité : je voulais, avec mon mari, aider et aimer un enfant qui aurait un handicap similaire à ce que je connais le mieux : handicap des membres supérieurs. Notre demande était tournée dans ce sens : nous n'avons pas "choisi" l'enfant mais nous avons donné nos limites (par exemple nous n'aurions pas souhaité adopter un enfant polyhandicapé ou handicapé mental).

 

Comment j'accepte son adoption ?

Je me dis qu'on peut avoir 10 enfants, ils seront tous différents, ils nous apporteront tous quelque chose. Il est faux de penser que l'adoption est responsable de tel ou tel problème, cela me semble une solution de facilité. Il est vrai qu'on y pense parfois et que, par exemple, Muriel a "le tempérament africain" : cool, relax, sans stress, ce qui nous énerve parfois ! Nous sommes tous si différents mais c'est cela qui fait notre richesse d'êtres humains.

 

Qu'est-ce que l'Association Denise LEGRIX a apporté ?

En aparté, je dois dire que c'est grâce à Denise. Lorsque ma petite sœur a fréquenté le Pavillon A, que nous sommes devenus plus forts, que nous nous sommes acceptés tels que nous sommes et notre vie a changé. Nous avons fait la connaissance de l'association belge et c'est comme cela que j'ai connu celui qui est mon mari aujourd'hui. Nous représentons l'union franco-belge !

A l'association belge Dysmélia, créée il y a 35 ans, sont venues se greffer des familles ayant adopté des enfants handicapés (depuis 8-9 ans) et c'est comme cela que l'idée qui germait en nous s'est concrétisée.

Ce que j'aimerais dire aux personnes qui liront ce journal, c'est que nous avons pensé, en adoptant un enfant handicapé, que notre trajectoire de vie, les moyens et le temps dont nous disposons permettront de rendre heureuse une petite fille sans avenir dans son milieu d'origine, qui n'est pas fondamentalement différente de nous malgré les quelques particularités qui la caractérisent.

Notre enrichissement est sa différence.

Notre bonheur est ce travail de création qu'est l'épanouissement de notre famille.

Nous n'avons pas posé un acte fou ou héroïque, mais un acte d'amour.

Je voudrais rajouter : adopter un enfant handicapé était un choix pour nous, en connaissance de cause. Pour une famille non confrontée directement au problème du handicap, ce choix doit être encore plus réfléchi et c'est là qu'il est utile de prendre contact avec des associations telles que l'Association Denise LEGRIX… Cela aide beaucoup.

 

Martine MARCOUX

Janvier 1999.